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Bodrot. L’intention de ce dernier était cependant de tenir cette visite secrète, de crainte d’éveiller quelque dépit.

Plit devint blême de malaise. Il lui parut que la terre entière s’écroulait sur ses projets. Il se retint pour ne pas se quereller avec Gérard. Sa colère le rendait furieux intérieurement et il était d’autant plus malheureux qu’il était obligé de la dissimuler.

Il serrait les dents, laissant passer de temps à autre une exclamation sourde qui témoignait de son agitation.

Il parla avec brusquerie à Gérard qui ne se soucia pas de cet accès d’humeur.

Plit, voulant se venger de quelque manière que ce fût, se résolut à prendre des renseignements sur cet intrus, quitte à passer toutes ses heures libres à cette enquête.

Il commença le soir même.

Ce Manaut, qui pouvait-il être ? Il était persuadé qu’il devait appartenir à un monde supérieur à celui dans lequel il évoluait présentement.

Il se procura l’adresse de son compagnon en le suivant un soir. Le concierge, qu’il questionna, ne lui apprit rien.

Il dit que Gérard était un jeune homme comme il faut et qu’il habitait avec son père, malade pour le moment. A part le docteur et un religieux, personne ne venait les voir.

Les Manaut, d’ailleurs, n’habitaient la maison que depuis quelques mois.

Plit n’obtint ces détails qu’avec beaucoup de peine. Le concierge avait commencé par montrer de la défiance, mais l’ouvrier sut le faire parler en alléguant que son patron l’envoyait aux renseignements parce que ce jeune homme était venu lui demander du travail.

— Je n’aurais pas cru d’abord que c’étaient des ouvriers, poursuivit le brave homme, mais il paraît que le jeune est serrurier… Je les aurais pris plutôt pour des commerçants…

Ces renseignements ne valaient pas grand’chose, mais ils confirmaient ce que Plit devinait : les Manaut se cachaient dans ce quartier…

Certainement, ils avaient dû avoir une autre existence. Plit commença par se ranger à l’avis du concierge qui prenait les deux mystérieux personnages pour d’anciens commerçants ayant fait de mauvaises affaires.

Il les qualifia tout de suite de gens malhonnêtes et se dit que le patron Bodrot ne serait pas flatté de savoir que ses prévenances allaient à un jeune homme qui, sans doute, avait mené une vie de dissipation.

Maintenant, cet « admirable jeune homme », selon l’expression même du patron, affectait de vouloir travailler pour se