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pas souvent. Il connaissait Bodrot parce qu’on le lui avait indiqué comme un serrurier intéressant par ses bons principes. Il s’adressait à lui selon ses besoins, mais il n’avait jamais vu ses filles et ne se doutait même pas de leur existence.

Bodrot pensait qu’il serait toujours temps de se renseigner plus intimement sur Gérard. Il fallait d’abord l’inviter pour savoir ce qu’en dirait Mathilde. Il habitait un logement non loin de son atelier. Faisant de bonnes affaires, son foyer était coquet et soigneusement entretenu et ordonné par sa fille. La jeune fille, adroite, cousait chez elle pour quelques amies et voisines. Elle possédait quelques petites économies personnelles qu’elle se réservait pour son entrée en ménage.

Mathilde apprit donc par son père que Gérard Manaut pourrait bien réunir les qualités qu’elle désirait chez un mari.

— Mais, papa, je croyais que Plit t’avait fait entendre qu’il se plaçait sur les rangs ?

— Oh ! si tu aimes mieux Plit…

— Je ne connais pas Manaut et ne puis savoir qui me plaira davantage…

— Veux-tu que j’invite Gérard pour demain soir ?

— Tu le connais bien ?… On peut l’introduire chez nous ?

— Je ne le connais pas davantage que Plit, mais il m’a été présenté par le P. Archime… Puis, sa conduite parle pour lui… Nous n’avons pas besoin d’en savoir plus long chez nous autres.

— Tu as raison…

— Tu me diras ton impression, et si cela ne te convient pas, on n’en parlera plus…

— Agis comme tu voudras, mon petit papa…

Mathilde reprit ses occupations en fredonnant et Bodrot retourna à son atelier.

Le lendemain, Bodrot profita d’un moment où il était seul avec Gérard pour formuler son invitation.

— Vous viendrez sans façon… Vous savez ce qu’est un intérieur d’ouvrier, bien que vous ne vous montriez pas bavard sur votre famille… On vous recevra le cœur sur la main…

Le jeune homme ne se souciait nullement de passer la soirée chez son patron et il répondit nettement par un refus poli. Interloqué, Bodrot ne put se retenir de lancer un naïf pourquoi.

Gérard allégua que la santé de son père ne lui permettait pas de s’absenter pendant longtemps hors de leur logis.

Bodrot n’insista pas et rapporta cet échange de phrases à Mathilde. Celle-ci, sans s’attarder au refus, eut beaucoup de pitié pour Gérard.

Elle comprenait mieux maintenant la réserve et la douceur de l’ouvrier que son père lui vantait. Elle se demanda si la mère du jeune homme existait encore. Peut-être les deux hommes