Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patron sera enchanté de toi… Tu passais à côté de la vérité, mon pauvre petit… Tu vas gagner six francs de l’heure, quarante-huit francs par jour !… En te faisant des heures supplémentaires, tu dépasseras soixante francs… Eurêka !

Gérard écoutait son compagnon avec autant d’étonnement que d’amusement. Il se laissait envahir par le bel enthousiasme que forçait un peu le P. Archime pour le convaincre.

Il regarda ses mains soignées qui se saliraient au contact des outils. Mais il n’était pas vain.

Ce qu’il savait, c’est qu’il aimait s’occuper de ce genre de travaux. Aucune serrure n’avait de secret pour lui et son pères n’hésitait pas à lui faire reviser celles de ses coffres-forts.

Gérard sentit que sa vocation naissait et qu’il était à l’abri du péril. Il se félicita d’avoir entretenu ce goût, ne se doutant guère qu’il deviendrait son salut quelque jour.

Il dit :

— Je vais aller me présenter tout de suite à un serrurier… Je crois que je puis être un bon ouvrier et que mon patron reconnaîtra ma volonté de le satisfaire…

— Mon enfant, considère ta toilette et réfléchis… Tu ne peux guère « demander de l’ouvrage », c’est la phrase, dans le complet que tu portes. Il faut que tu te débarrasses de tes vêtements trop bien coupés et que tu revêtes une combinaison de travail…

Gérard comprit immédiatement la sagesse des paroles du missionnaire.

— Vous avez raison, mon Père…

— Je vais te conduire dans un magasin où je suis connu… Tu auras quelque chose de solide, qui ne sera pas trop cher…

— C’est vrai, murmura Gérard, il ne faut pas que ce soit cher…

Il était repris par les griffes de la nécessité. Il dit pensivement :

— Heureusement que vous êtes près de moi, vous me gardez de quelques sottises…

— J’ai l’habitude des travailleurs, répliqua laconiquement le P. Archime.

Gérard ressortit du petit magasin, transformé par une combinaison kaki et une casquette.

— À la bonne heure !… Tu as l’air d’un ouvrier sérieux qui a soin de sa personne… Tu n’as pas encore la patine du travail, mais j’espère pour toi que cela viendra rapidement. Maintenant, je vais te mener chez un serrurier de ma connaissance où tu seras accepté tout de suite…

Presque heureux, Gérard n’avait plus qu’une inquiétude : savoir s’il ferait l’affaire d’un patron…

Ce fut un peu embarrassé qu’il pénétra, guidé par le P. Ar-