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M.  Laboral ne le reconduisit pas. Il le regarda disparaître et murmura :

— L’apprentissage de la pauvreté est une dure école… Il finira par se contenter de peu…

Gérard s’en alla très assombri. Cette première tentative le laissait quelque peu désemparé.

Il regretta soudain l’entourage familial des Laslay. Il pensa qu’en Amérique il eût été soutenu, conseillé par ses amis avec une note joyeuse et pleine d’entrain. Marcel et Paul auraient crié : Hip ! hip ! hurrah ! et lui auraient déniché une place où il aurait pu se révéler… Mais ici, les quelques camarades qu’il rencontrait ne travaillaient pas et ne sauraient pas l’orienter… Et puis, le respect humain lui interdisait de solliciter l’obligeance de jeunes gens avec qui ses rapports n’avaient jamais dépassé l’amabilité de surface.

Mais pourquoi user sa pensée en des hypothèses irréalisables ? Le présent était son père qu’il ne pouvait abandonner et qu’il devait secourir.

Le réconfort lui serait fourni par le P. Archime, ami d’une sûreté à toute épreuve.

Gérard se gourmanda pour s’être laissé aller à cet accès de dépression. Il eût été ridicule de compter sur un succès à la première démarche.

M.  Laboral avait la réputation d’un industriel assez dur, et, Dieu merci, tous n’étaient pas ainsi !

Son père lui avait souvent parlé de Me  Baret, un avocat charmant, et Gérard résolut d’aller le trouver. Ses connaissances en droit lui seraient utiles, et il se blâma de n’avoir pas commencé par cette course.

Me  Baret avait ses bureaux situés place Vendôme et Gérard s’y rendit dans un taxi. Il craignait, l’heure s’avançant, de ne plus rencontrer personne.

Il arriva vers 6 heures. Les bureaux étaient fermés et le concierge lui apprit que l’avocat ne recevait que le matin et sur rendez-vous.

Ennuyé par cette perte de temps, Gérard prit le parti de rentrer.

Il s’engouffra dans le métro, jugeant que ce serait le mode de locomotion le plus rapide et surtout le plus économique.

Il prit des secondes, sans songer que l’heure d’affluence se préparait. Il fut surpris du flot pressé qui encombrait les quais et surtout de l’attaque imprévue qui eut lieu à l’arrivée de la rame. Chacun voulait être le premier à monter. Il s’indigna contre la bousculade. Toute sa distinction se hérissait devant cette poussée déconcertante et devant ces coups de coudes brutaux. Plus rien ne comptait. Ni courtoisie, ni pitié. Il fallait con-