Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu vas m’accompagner, Gérard… Je suis obligé d’aller de l’autre côté de Paris et je n’ai pas de grands loisirs pour l’instant… J’ai des malades bien intéressants…

— Et je ne peux plus t’aider, mon pauvre Archime…

— Eh ! cela reviendra !… C’était trop beau !… le tabac se perdait dans les coins et le chocolat et le sucre gâtaient leur estomac… Une petite diète sera salutaire…

Malgré cette gaieté, le regret flottait dans le cœur de ces deux hommes habitués à s’entr’aider dans leurs bonnes œuvres…

Le malheureux Gérard assistait impuissant à cet échange de paroles.

Le P. Archime reprit :

— On te laisse pour quelques minutes, mon vieil ami… Tu n’as besoin de rien ?

— Non… non… D’ailleurs, la femme de ménage va venir pour préparer le repas… Sois exact, mon petit, nous dînons à 7 heures… Je me couche très tôt après mon repas… Tu m’aideras ce soir, ce sera une économie… Je ne ferai pas revenir cette femme…

Gérard écouta ces phrases sans faiblir, alors que la plus atroce détresse fouaillait son cœur.

Son cher père en était réduit là ! Malade et sans domestiques pour le servir, alors que toute sa vie ainsi que celle de ses parents et grands-parents s’étaient passées dans le bien-être et le luxe.

Une larme perla aux cils du jeune homme, une larme qu’il refoula non sans peine.

Il put dire, sans que sa voix parût changée :

— C’est entendu, père… je reviendrai dès que possible… Je suis certain d’être là avant 7 heures… mais tu comprends mon impatience de trouver un emploi rapidement…

— Pauvre petit… tu es admirable !…

La porte se referma sur le P. Archime et Gérard. Sur le palier, le jeune homme se jeta, avec un gémissement, sur la poitrine du missionnaire.

— Ah ! mon grand ami, quel calvaire !

— Quoi !… c’est ainsi que tu te conduis ?… Ton beau courage n’était-il que de surface ?… Allons, remets-toi, tu dois être plus énergique… Pense donc que l’honneur est sauf… Ah ! nous avons bien travaillé, ton père et moi !… Malheureusement, il s’est cassé la jambe… Il aurait mieux valu que ce fût moi… Et encore, je n’en sais rien… À bien réfléchir, ces événements vont t’éclairer sur la vie…

— Je n’en peux plus, bon Père !… Quelle chute !… quelle tristesse ! Je ne savais pas que ce serait si douloureux… J’ai beau me raisonner, je suis débordé par tout ce que je pressens…