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Gérard fut frappé par ces paroles, et il répliqua songeur, comme s’il réfléchissait soudain à ces choses :

— Ce que vous dites là est fort juste…

— Je vous jette cette idée-là sans vouloir vous offenser, dear boy, mais uniquement pour vous montrer que chacun doit s’occuper de sa propre affaire… Vous verrez que ce sera plus doux encore de donner quand vous aurez vous-même acquis votre fortune…

Gérard regardait Marcel. Il était surpris par ces mots si sages et si fiers. Le jeune homme posait devant lui des problèmes qu’il n’avait jamais agités.

Il murmura :

— Vous avez raison… Pourquoi profiterais-je du travail de mon père sans me donner le moindre mal ?

— C’est si beau de chercher sa voie, de progresser dans son ambition… Je gagnerais un gros lot que je ne le garderais pas !… Cet argent ne me sourirait pas… Le seul que je désire est celui que j’aurai gagné avec les ressources de mon intelligence, de mon expérience… Cela indique que l’on est un homme dont le cerveau compte…

Après un silence, Gérard dit :

— Oui, il est juste que je fournisse mon effort…

— À la bonne heure !… vous voici conscient de votre valeur propre…

Cependant, Gérard Manaut songeait : Que pourrai-je faire ? Quelles sont mes aptitudes ? Je n’ai pas été habitué à lutter pour la vie et je ne sais pas la manière de m’y prendre… Il admirait Marcel. Une détresse l’enserra de se sentir inférieur. Il voulut aussi qu’on le plaignît un peu et il prononça d’une voix étouffée :

— Ce qui m’est douloureux aussi plus que je ne saurais dire, c’est de rompre mes fiançailles avec votre sœur… Je suis tenu par ma conscience d’honnête homme de renoncer à mes projets, au moins temporairement… Je laisse naturellement votre sœur tout à fait libre, mais quoi de plus pénible pour moi que de me dérober au rêve d’une jeune fille, après lui avoir promis d’être, son soutien ?

— Vous avez agi comme il fallait, dear boy, mon père vous a aidé dans votre conduite… Il nous a parlé de vous avec grande affection… Nous avons tous jugé que vous ne pouviez faire autrement…

— Cela m’est si dur pourtant !… s’écria Gérard, mais sais-je ce que je serai demain !

— Ce demain est trop incertain pour que vous ayez en plus un autre souci… Pour lutter, l’homme doit avoir toute sa liberté… Vous commencez seulement votre vie sans savoir ce qu’elle vous