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Ses frères n’amenaient jamais de jeunes gens dans le cercle de la famille, et Denise, quand elle pensait au mariage, se disait que son mari tomberait du ciel par miracle.

Le miracle était survenu et elle en restait troublée. Gérard lui plaisait mieux qu’un camarade avec qui l’on aime épiloguer sur différents sujets. Elle appréciait le fond sérieux de son caractère, sa sérénité, ses sentiments religieux et sa bonté toujours prompte à s’exercer.

Elle n’aurait jamais osé prétendre à devenir sa femme, parce qu’elle le savait très riche.

La réalité, cependant, s’affirmait, mais elle croyait encore que c’était un beau songe qui continuait quand sa mère lui disait :

— Que je suis contente que les événements se soient dénoués ainsi !… Tu plais à Gérard et il te plaît… Nul ne me semble plus digne de te rendre heureuse… Seule, sa grosse fortune m’effraye pour toi, ma chère petite.

— Pourquoi donc, maman ?

— La grande richesse rend mou et égoïste.

— Gérard n’est guère égoïste, cependant !

— C’est vrai, mais il est habitué à vivre dans cet élément… Il ne connaît nul autre état social… Tu vas être plongée dans un éblouissement qui, je l’espère, te laissera active et ardente à la charité.

Denise pencha le front, car elle savait ne pas posséder l’altruisme si dévoué de Pauline.

Ces propos entre la mère et la fille n’étaient cependant qu’un nuage léger dans le firmament de la satisfaction générale.

M. Laslay ne songeait pas à dissimuler sa joie, et le jour où il reçut la demande officielle de son ami Manaut son bonheur fut à son comble.

Il se souvint avec plus d’attendrissement encore de ce camarade si ouvert, si entreprenant, dont les manières affables avaient charmé ses jeunes années. Gérard lui ressemblait, avec, cependant, un caractère plus concentré et qui s’affirmait moins. Le jeune homme, il s’en était aperçu, ressentait avec intensité, sans toujours le montrer.

Gérard fut admis officiellement comme fiancé. Ce fut une période enchanteresse pour toute la famille. L’heureux élu ne savait comment traduire son enthousiasme. Sa générosité était sans bornes. Il venait chaque soir se mélanger au groupe qu’il aimait si filialement et si fraternellement. Ses mains étaient toujours pleines de cadeaux et de surprises. Il semblait qu’il était un génie aussi joyeux que bon. Tous les souhaits se réalisaient, grâce à lui, et l’on n’osait plus rien désirer qu’il ne tentât de le satisfaire.

Denise croyait toujours rêver, et de temps à autre elle con-