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s’il n’y avait que des bourgeois comme vous et des ouvriers comme moi…

Sur ces mots, M. Manaut quitta l’aimable famille, non sans charger Plit de ne pas oublier Gérard près de ses parents.

Puis, le lendemain, M. Manaut se fit annoncer chez les Laslay, le soir, vers 7 heures, pour être sûr de trouver tout son monde.

On ne l’attendait guère…

— Ce cher Manaut !… Te voici, alors que je te croyais en Espagne !

— On en revient, tu le vois !… Tout va bien, chez toi ?

M. Laslay avait fait pénétrer son ancien condisciple dans la pièce principale où se tenait la famille. M. Manaut, d’un regard, fit le tour des visages qui le contemplaient.

Mme Laslay lui apparut telle que son fils la lui avait dépeinte. Il reconnut vite Denise à l’émoi qui se traduisait sur ses traits.

Il nomma Pauline qu’il distingua à son air calme. Les deux plus jeunes lui étaient familières par les quelques espiègleries que Gérard avait citées d’elles. Quant à Maurice, c’était le benjamin, le paresseux mais aimable garçonnet.

M. Manaut désignait tout le monde avec ses caractéristiques, ce qui amusait chacun.

— Vous voyez que j’ai une excellente mémoire !… Nous nous excusons, mon fils et moi, de n’avoir pas donné signe de vie plus tôt ; mais cela ne nous a pas été possible. Malheureusement, on ne se refait pas une position comme on se fait confectionner un vêtement… Si Gérard vous a laissés dans le silence, c’est aussi par délicatesse, afin que votre liberté vous reste entière… Aujourd’hui, Gérard a une belle situation en Espagne où il séjournera quelques années… Il ose espérer que Denise ne craindra pas ce petit exil, elle qui consentait bien à épouser un simple ouvrier…

M. Manaut savait tout.

Denise acquiesça, tremblante de joie.

— Alors, cher Laslay, donne-moi la bague pour que je la passe au doigt de ma future fille en lieu et place de mon fils…

— La bague ?

M. Laslay dit alors :

— Mais oui, ce cher Gérard n’a pas voulu reprendre la bague des fiançailles… Je l’ai gardée secrètement devers moi…

Pendant que son père allait chercher la bague, le visage de Denise rosissait sous l’émotion d’avoir parfois accusé Gérard de silence.

Le bonheur se peignit sur tous les fronts. On pensait bien que les traits réjouis de M. Manaut devaient signifier des choses