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Peu à peu, les raisons que Mathilde énumérait de sa voix vibrante calmèrent ses alarmes et elle s’en alla rassérénée.

— Il faut avoir confiance… vous verrez que tout se passera fort bien… Il faut faire quelque crédit à la Providence…

— Merci… merci, Mademoiselle !… Quel bien vous m’avez fait !…

Denise revint donc transformée chez Mme Alixin. A sa vue, cette dernière s’écria :

— Cela m’ennuyait bien de vous savoir sortie après votre malaise de ce matin… Je n’étais nullement tranquille, mais je constate que votre promenade vous a réussi… Vous êtes revenue avec des yeux brillants et des joues roses…

— Serait-ce vrai ?

— Et un air joyeux !…

— Vous n’exagérez pas ?

— J’en suis stupéfaite !… Que vous est-il arrivé ?

— Il est temps que je me confesse à vous…

— Qu’allez-vous m’apprendre ?

— En bien… cet ouvrier qui s’est enfui, ce Gérard Manaut… C’est mon fiancé !…

— Quoi ! que dites-vous ? je ne vous savais pas fiancée !… et vous avez choisi un ouvrier ?… Comme c’est moderne et américain !

— C’est toute une histoire, chère amie, et je vais vous la raconter…

Mme Alixin se montrait fort impatiente de l’entendre. Un observateur averti aurait pu s’apercevoir qu’elle contemplait avec une surprise peu sympathique cette fine Denise qui venait de lui avouer ces fiançailles étonnantes.

Elle gardait quelque rancune à ce jeune homme de s’être enfui de cette façon cavalière et ne s’expliquait pas la nouvelle dont lui faisait part sa jeune amie.

— Il faut vous dire, chère Madame, que M. Manaut et mon père sont des amis datant du lycée. Je me suis fiancée avec son fils, lors de sa venue à New-York. Il m’a demandée en mariage, alors qu’il était très riche. Il était bon aussi, très bon, et il ne savait quelles prévenances avoir pour ma mère et nous tous… Il a appris sa ruine, et ne voulant pas m’entraîner dans sa misère, il m’a rendu ma liberté… Papa n’a pas voulu qu’il me revît, car mon cher papa savait bien que j’aurais persisté à vouloir épouser Gérard… Comme nous n’avons jamais été riches, j’aurais continué d’être pauvre, j’y étais tellement habituée… J’avais vécu un trop beau rêve pendant quelques jours, je savais bien qu’il ne durerait pas…

Mme Alixin écoutait ce récit avec un intérêt croissant, et comme elle était très sensible, elle avait les larmes aux yeux.