Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

raconter par le détail à la suite de quelles circonstances l‘âme de Gérard lui avait été révélée. Elle avoua, avec une franchise calme, combien son père estimait cet ouvrier et qu’il avait eu sur lui des visées un peu extravagantes suscitées par son amour paternel.

Elle sut dire avec modestie combien ce jeune homme lui avait paru différent de leur milieu et beaucoup trop raffiné pour un mari pour elle. Et comme c’était le P. Archime qui l’avait amené à l’atelier de son père, c’est à lui qu’elle était allée demander des renseignements.

Là, elle avait tout appris, la double douleur de Gérard : sa ruine et la rupture de ses fiançailles.

D’autre part, Gérard Manaut avait été amené à lui parler. Son honnêteté se refusait à lui laisser croire qu’il pourrait entrer dans les vues du patron. Il lui avait donc fait pressentir sa fidélité envers sa fiancée…

À ces mots, le visage de Denise s’illumina sous la trace récente des larmes.

— Et s’il ne vous a pas parlé, poursuivit l’énergique et persuasive Mathilde, c’est qu’il n’a pas osé se montrer à vos yeux sous ses habits de travailleur… Il ne voulait pas que la fille du professeur Laslay pût rougir de son fiancé… Il améliorera sans aucun doute sa situation et…

Un élan transforma Denise et elle interrompit sa compagne :

— Comme je l’ai méconnu !… Je vais aller le trouver et je lui dirai que j’accepte sa situation actuelle… Je lui donnerai du courage en attendant que l’avenir devienne meilleur… Je continuerai à instruire des jeunes enfants à Paris, comme je le faisais à New-York !…

— À la bonne heure !… s’exclama Mathilde, voilà qui est parler !… J’aime voir une femme énergique et qui n’a pas peur de la vie…

— Gérard est-il toujours à l’atelier de votre père ? où pourrais-je le voir ?

Une consternation se peignit sur le visage de Mathilde :

— Mais, c’est que, Mademoiselle, MM. Manaut, père et fils, sont justement partis pour l’Espagne où M. Manaut est préposé aux mines qui ont été envahies par les eaux…

— Mon Dieu… il est parti !… s’exclama Denise.

— C’est un retard évidemment, mais c’est bien peu de chose à côté de ce que vous avez souffert… L’avenir se montre plus clair, puisque M. Gérard va reconquérir la place à laquelle il a droit…

Mais Denise venait de subir une trop grosse déception après sa joie, et elle ne pouvait encore apprécier dans sa plénitude le bon côté de ce départ qui venait de lui être révélé brusquement…