Page:Fiel - Le fils du banquier, 1931.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mme  Wame rangeait, pour qu’un certain ordre régnât avant le départ.

Elle s’épancha en confiant à Gérard :

— Je ne savais pas que vous étiez des personnes de « la haute »… Eh ben, vous n’êtes pas fiers !… pour des gens qui ont eu des valets de chambre… C’est un locataire qui m’a raconté que vot’ papa a eu sa banque ruinée par un déluge, et que vous avez vendu tout ce qui vous appartenait pour que les clients ne perdent rien… C’est beau, vous savez !… Et puis, vous, vous avez travaillé de vos mains pour que vot’ papa ait du pain… Vous aviez donc appris un métier ?… c’est tout de même utile de ne pas perdre son temps…

Mme  Wame ne tarissait pas dans son admiration, et Gérard était impuissant à lui imposer silence. Il la laissa parler et ce verbiage finit par accompagner ses riantes pensées.

Il allait donc de nouveau voyager, perdre dans de nouveaux horizons la cruelle angoisse de ces derniers mois, et lutter, de tout son esprit actif, pour sa propre destinée.

Il ne connaissait pas l’Espagne et il espérait bien trouver quelques loisirs plus tard pour l’explorer.

Son père rentra. Tout de suite, l’action peupla le logis. M.  Manaut était un homme qui triplait le mouvement de la vie. Ses mots possédaient de la couleur et ses gestes de l’entraînement.

— Nous partirons demain vers 4 heures… Les places sont retenues… Ah ! je me sens tout autre !… j’en ai supporté un calvaire, avec cette immobilité !… Quel supplice !…

Tout la soirée se passa en préparatifs, en projets, en décisions !…

Gérard se disait en souriant :

— Il faudra que je lutte aussi un peu contre papa, pour qu’il me laisse de la place.


Plit, ce soir-là, devait aller chez les Bodrot. Son patron ne lui avait dit que cette phrase brève :

— On vous attend ce soir après le dîner…

Le jeune homme eût bien aimé questionner le patron, mais comme celui-ci paraissait préoccupé, il ne l’osa pas, se contentant d’attendre la fin de la journée avec impatience.

Il comprenait le silence de Bodrot qui restait encore surpris du départ de Gérard que tout le monde aimait maintenant à l’atelier. Il donnait un tour moins terre à terre aux conversations. C’était un élément nouveau dont on n’avait pas l’habitude. Les ouvriers étaient fiers de lui et en parlaient chez eux comme d’un « chic type ».

Plit, plus que les autres, était désolé de ne plus l’avoir près de