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II


Les deux amies longèrent bientôt le boulevard Saint-Michel.

— Alors, c’est sérieux ? Tu vas devenir philanthrope, tu vas explorer des mansardes, dépister la paresse, morigéner les ivrognes ?

— Mon idée est-elle donc si saugrenue ?

— Elle me paraît intempestive… Je te croyais un peu molle…

— Tu m’accusais de mettre du scrupule partout et c’est lui qui me conseille… Ma mère devient si frivole… Quand je vois notre maison débordante de rires, de chants, de danse, cela me gêne… Je suis comme un spectre au milieu de ces fêtes et je suis certaine d’être de trop…

— Tu te tortures.

— Je hais tous ces hommes légers qui tournent autour des femmes… J’ai besoin de rétablir un équilibre et il me semble que je dois racheter toute cette insouciance par une vie sérieuse étayée d’altruisme…

— Quel romanesque exagéré !…

— Ma conscience me pousse… il me semble que cela me soulagera…

— Si c’est une médication salutaire, je n’objecte plus rien… mais n’oublie pas qu’il est des sacrifices pleins d’erreurs… Je voudrais te mettre en garde… Tu es une passionnée sous ton aspect doux, et tu commettrais les pires extravagances dans un moment d’exaltation… Il ne faut pas devenir, son propre en-