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pratique, je me contente de ce que j’ai, c’est-à-dire de la vie paisible que me donne Robert.

— Tout est là, se contenter de ce qu’on a…

Il y eut un silence un peu grave entre les deux amies, puis Bertranne demanda :

— Veux-tu m’accompagner ?

— Où cela ?

— Au devant de Robert… Vous vous êtes a peine vus. Il serait temps que vous fassiez plus ample connaissance.

Christiane s’effraya. Ses courtes fiançailles revinrent en son esprit, ainsi que les luttes qui les avaient suivies. Elle n’eut pas le courage d’affronter de tels fantômes.

Elle répondit :

— Mon dernier voyage m’a fatiguée, et je ne tiens pas du tout à me promener. J’étais sur cette chaise-longue quand tu es entrée et j’y resterai si tu le veux bien…

— Bon… je m’en irai seule.

— Tu ne m’en veux pas ?

— Tu plaisantes ! j’ai encore des égards pour les personnes qui se sentent lasses, bien que j’aie délaissé la médecine… À ce propos, j’ai quelque chose à te demander… Tu as souvent vu mère ces temps derniers ?

— Mais, oui, assez.

— Ne la trouves-tu pas changée ? Elle m’inquiète… elle me paraît hantée par une idée fixe : « Tout ce qui est sur terre est prêté par Dieu », répète-t-elle… Je crois que son ascétisme s'empare de ses nerfs qui éga-