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tournoyaient devant ses yeux, en une ronde échevelée.

Bertranne, qui tisonnait en agitant des pincettes, ne s’aperçut pas de la pâleur de son amie, ni n’entendit la plainte qui sortit de ses lèvres. Elle ne s’étonna pas davantage de son silence, parce qu’elle continuait de parler.

— Je me souviens maintenant que tu ignorais encore son nom. Il est vrai que je voulais moi-même l’oublier… Mais depuis cet après-midi, je suis si confiante qu’il me semble que je tiens mon amour solidement…

Comme elle ne recevait pas de réponse, elle regarda Christiane.

Elle vit que celle-ci était livide et s’écria :

— Mère me l’assurait ! Tu es capable de jeûner pour te mortifier, et voici que tu ne t’alimentes plus assez !… Quel malheur de voir une fille intelligente se conduire comme les vieilles dames, dont l’ascétisme est un devoir de santé…

Sous cette apostrophe, Christiane reprit ses couleurs et sa présence d’esprit. Elle contempla Bertranne avec un peu d’hésitation encore, n’entendant ses paroles qu’assourdies, mais en un nouvel effort elle put se maîtriser.

Ainsi, c’était Robert que Bertranne aimait avec autant de fougue persistante.

La malheureuse Christiane ne prévoyait pas une semblable catastrophe et les souffrances morales éprouvées au sujet de sa mère ne comptaient plus à côté de celles endurées à ce moment.