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lui qui m’aîmait… N’ai-je pas droit à de meilleures paroles ?

La veuve comprenait qu’elle manquait de charité, mais son rôle n’était pas de s’en excuser. Elle devait se montrer ferme, quitte à passer pour féroce…

Elle riposta non sans grandeur :

— Vous vous laissez conduire par la vanité… Je pourrais même dire que l’orgueil est la base de votre dévouement, alors que je me figurais que la pitié seulement vous poussait vers vos frères misérables… Aujourd’hui, vous les abandonnez pour la perspective d’une vie frivole et oisive…

Ces paroles étaient terribles pour Christiane.

Si elle avait obéi naguère, à un pur désintéressement, elle s’avouait que, ce jour, sa personne était en cause et qu’elle se réjouissait de passer des heures pleines de beauté aux côtés d’un homme intelligent.

Mme Fodeur remarqua son embarras. Elle la quitta sans insister, mais sans la complimenter sur ses fiançailles, témoignant ainsi sa réprobation.

Elle rentra chez elle et n’en parla pas à Bertranne, obéissant à une confuse suggestion qui la gouverna tout à coup. Elle était jalouse soudain de voir Christiane s’établir dans l’existence, mais elle se donna le change en estimant qu’il valait mieux entourer cet événement de mystère. Un secret espoir la menait.