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Quand elle ne pensait pas trop à son pays noir, elle était accorte et gaie.

Aujourd’hui la perspective de voir un jeune homme d’un pays ensoleillé l’amusait. Elle pourrait enfin savoir ce qu’était cette Côte d’Azur dont elle avait entendu parler comme d’un pays miraculeux.

Elle quitta le lavoir avec Flore et elle retrouva sa mère qui préparait le repas. Les deux fils aînés, 16 et 18 ans étaient à la mine. Les deux autres allaient encore à l’école.

— Voici le linge rincé, dit Léone.

— Tu as bien travaillé, ma fille.

— Pas tellement.

Elle aida sa mère, disposa les assiettes sur la table et chercha de l’eau dans le jardin.

Louis rentrait. Son visage s’épanouit en la voyant et il lui cria par-dessus la haie :

— Pas trop lasse ?

— Pas du tout.

— Tu iras te promener demain après-midi ?

— Ah ! oui, c’est dimanche ! Me promener ! tu plaisantes. Et le racommodage des garçons ?

— C’est que je voudrais te dire quelque chose.

— Ah ! et il faut se promener pour cela ?

— C’est que je voudrais te voir seule et tranquillement.

Léone le regarda dans les yeux, et, comme les jeunes filles devinent sans qu’on leur parle, elle sut tout de suite de quoi il s’agissait.

Un nuage l’assombrit. Cet entretien venait un peu tôt. L’amour de Louis la touchait, mais il ne comblait pas son rêve. Ah ! s’il habitait un pays clair, elle aurait accepté tout de suite, mais vivre ici, non. Il fallait qu’elle tentât sa chance avant d’en arriver là…

Léone fut exacte au rendez-vous que lui avait donné Louis. Bien que sachant ce qu’elle allait entendre, elle n’était pas émue.

Ce fut avec un bon sourire qu’elle l’accueillit, quand il vint quelques minutes après elle, sur l’avenue où elle l’attendait, assise sur un banc.

La fin de mars était clémente. Un soleil déjà chaud se montrait. Il avait plu la veille et les arbres débarrassés de leur poussière, apparaissaient avec leurs bourgeons lavés.