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— Quoi ! bégaya-t-elle, vous croyez que je vais partir en laissant maman soigner seule papa ? Je ne m’en irai pas avant qu’il soit guéri, ainsi que les autres. Il y aura des femmes surchargées de besogne, et, si je peux les aider, je n’y manquerai pas. On se doit à ses semblables. J’ai vu un ouvrier blessé qui a huit enfants. Comment n’aiderais-je pas sa malheureuse femme !

— Alors, il faudra que je parte seul ! je ne pourrai pas vous montrer tout de suite mes fleurs.

Léone murmura gravement :

— Il n’y a pas que des fleurs dans la vie.

Le soir, les nouvelles des blessés étaient satisfaisantes. Le porion Aumil n’avait rien de grave, des blessures superficielles, mais la commotion avait été forte. Il avait voulu sauver son équipe et s’était dépensé en attendant les secours.

Léone courut chez Mme Terla pour s’enquérir de Louis.

— C’est un pied brûlé. Il a reçu un bloc de houille enflammé, mais le docteur affirme qu’il n’a rien de cassé et qu’on sauvera son pied.

La jeune fille quitta cette mère rassérénée et alla chez les unes et les autres pour s’informer de leurs blessés et offrir ses services. Une grande fraternité la possédait et une pitié envahissait son âme. Comment pourrait-elle quitter ce peuple dont le travail dangereux méritait tant d’égards ? Ne fallait-il pas se serrer les uns contre les autres, pour être forts aux jours de deuil.

Que signifiaient le soleil, le pays riant devant la pitié et la charité ? Son devoir n’était-il pas ici ? Tout son enthousiasme était tombé au sujet de ses fiançailles et elle se traitait d’égoïste.

Il lui semblait que Marius devenait tout à coup pour elle, un étranger sans aucun prestige, alors que Louis, blessé se présentait à ses yeux, comme une victime du devoir.

L’abandonnerait-elle, lui et son amour, dans le désespoir de sa tendresse repoussée ? Aux hommes qui assument un labeur dangereux, il faut des femmes énergiques. Léone ressentait un remords à l’idée d’avoir voulu vivre sa vie au loin alors que dans ce coron sa jeune force et sa charité pouvaient faire tant de bien…

Soudain, Marius ne fut plus rien pour elle.

En entrant chez sa mère, elle le trouva et lui dit :

— Marius, j’ai réfléchi, je ne pourrai pas vous épouser parce