— C’est un joyeux garçon, ce Marius, dit Mme Aumil.
— Il ne me semble pas avoir beaucoup de choses dans la tête, murmura Louis tourmenté.
— Oh ! ce n’est pas le même genre que chez nous, répliqua Mme Aumil. Les gens nourris de soleil ont le cerveau tout gai. Nous autres, à force de voir nos maisons noires, nous devenons moroses moroses.
— Oui, ce n’est pas toujours amusant, soupira Léone.
— C’est le contentement intérieur qui donne le sourire, dit Louis. Pour moi, quand j’ai accompli ma tâche et mon devoir, je sens tout un rayonnement en moi, et je ne vois plus nos rues noires et notre ciel gris.
— Tu as un heureux caractère, murmura Léone, tu sais te contenter.
— Tout est là, dit la mère, se trouver bien où l’on est.
Louis eut chaud au cœur, parce que Mme Aumil semblait partager sa manière de voir. Ses pensées furent moins amères et il prit congé avec moins de désespérance qu’en entrant.
Léone était enchantée. Ce n’était pas que Marius lui plût entièrement. Il était loin de valoir physiquement Louis Terla, mais il habitait un pays séduisant.
Quand elle fut seule avec sa mère, elle s’écria :
— Ah ! que ce Marius me fait du bien, quand je l’entends parler de son beau pays ensoleillé et de ses fleurs parfumées, cela vaut la peine de vivre.
— Je le trouve bien bavard, ce garçon, tout en le jugeant facile de caractère.
— Mon Dieu ! que je voudrais partir avec lui !
— Comment ! Ce serait aussi gaîment que tu quitterais ce que tu as toujours vu ! Même Louis ?
— Même Louis ! Il n’a qu’un défaut : son amour pour la mine.
— Il t’aime, il souffrait tout à l’heure, quand il voyait ce Marius près de toi. Tu n’as eu d’attentions que pour cet inconnu. Tu n’as pas eu de ménagements pour Louis.
— J’ai prévenu Louis, il sait que je ne l’épouserai pas.
— Enfin ! ton destin est peut-être dans l’idée que tu as.
Elles se turent et procédèrent aux préparatifs du dîner. Les hommes rentrèrent.
Il ne s’agissait plus de conversation intime entre la mère et la fille. Seule avec ses pensées, Léone s’affermissait dans son