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l’ombre s’efface

— Pardonnez-moi, Jacques, mais il fallait que je vous dise la vérité entière. Je ne puis vous décrire ma souffrance… Je dansai, oui, j’eus ce courage héroïque… Les larmes me coulaient sur le visage, et lui me regardait en riant, jouissant de mon humilia­ tion. Quand je le conjurai de me laisser partir, il bondit sur moi. Je le lacérai de mes ongles et de mes dents, et au paroxysme de cette lutte hideuse, il tomba foudroyé…

— C’est un misérable, hurla Jacques, le visage blême, et vous, une malheureuse !

Je me mépris à cette parole et je répétai :

— Oh ! oui, bien malheureuse…

Il y eut un silence terrible et je murmurai :

— Il faudrait prévenir M. de Gritte. Son fils est là-bas, peut-être mort…

Mon mari sursauta et tout de suite il me dit :

— Je vais aller moi-même voir ce qu’il en est. Vous allez venir avec moi.

Je poussai un cri d’horreur :

— Non, oh ! non !… Je ne veux plus entrer dans cette maison !

— Vous viendrez ! insista Jacques énergiquement.

Je lui vis des yeux sévères et, vaincue, je n’osai pas résister.

Avant de sortir il me conseilla :

— Arrangez un peu votre visage. Je ne veux pas sortir avec une femme qui semble avoir été battue.

Ces paroles sans douceur me causaient une peine affreuse. Jamais mon mari ne m’avait parlé sur ce ton, et je pensais qu’il ne m’aimait plus du tout. Je le trouvais cruel de me forcer à l’accompagner, mais je ne pouvais pas me soustraire à sa demande.

Nous partîmes dans sa voiture et, par bonheur, je me rappelais maintenant le nom de l’avenue et le numéro du petit hôtel particulier. Je n’en avais pas refermé la porte à clef et mon mari y entra le premier. Je le suivis, mais je m’arrêtai devant le salon où je savais trouver Hervé.

Au bout de quelques minutes, j’entendis :

— C’est une crise d’épilepsie. Ce n’est pas grave.

Il m’appela :

— Christine ! ne vous alarmez pas !

Je me rapprochai et je vis Hervé agité de soubre-