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l’ombre s’efface

Cependant une certaine prudence me suggérait qu’il fallait agir discrètement.

Mon cœur n’avait aucune pitié pour ce malade. Je remerciai Dieu de m’avoir délivrée, c’est tout ce que je trouvais à faire.

Pleine de sang-froid, je ne pensais qu’à moi et au miracle qui venait de s’accomplir en ma faveur. Je cherchai mes chaussures, qui étaient dissimulées dans le placard d’où Hervé avait sorti le phonographe, et je me hâtai de les enfiler.

Maintenant il fallait trouver la clef du salon. Malgré la présence d’esprit que je m’imposais, un tremblement me secouait et j’évitais de regarder ce corps. Pourtant j’y jetai les yeux involontairement et je m’aperçus qu’il tressaillait. Il n’était donc pas mort, ce qui me soulagea, car je ne désirais pas que l’on m’imputât un crime. Les circonstances me semblaient déjà assez sinistres. Le piège tendu me paraissait une telle infamie que je ne pensais pas au secours dont pouvait avoir besoin ce misérable. Je me demandais seulement pour quelle raison ce méprisable person­nage était tombé si soudainement. C’était une puni­tion, évidemment.

Je cherchai la clef et ne la vis nulle part, et je voulais partir à tout prix. Il me vint à l’idée qu’elle était dans une des poches d’Hervé. J’eus un frisson à l’idée de toucher ce malheureux qui gisait près de moi. Une répugnance me saisissait à l’idée de le fouiller. Cependant il fallait vaincre mes nerfs, puisque j’avais hâte de m’en aller. Je m’approchai, en m’exhortant au courage, et je plongeai la main, avec horreur, dans la poche du veston… La clef s’y trouvait et je la saisis avec une ardeur joyeuse que je croyais éteinte en moi pour la vie. La porte s’ouvrit.

Je courus dans le vestibule, mais l’entrée était également fermée. Une sueur froide m’enveloppa, et de nouveau l’angoisse m’écrasa. L’idée me vint que cette clef était dans la boîte aux lettres et j’eus raison. Je m’en emparai.

Ô joie ! D’un bond, je fus dehors. Je refermai la porte. Je ne pris nul souci des passants. Je courais, parce que maintenant une réaction se produisait et que l’épouvante me talonnait.

Tout à coup, je fus hésitante dans mes décisions.