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l’ombre s’efface

d’aller à une soirée mondaine. Je n’avais jamais assisté à ce spectacle ; toutes les dames en toilette, des bijoux, des fleurs, au milieu d’un orchestre entraînant.

Mon pas, à cette évocation, devenait aérien, quand soudain ma rêverie fut interrompue par une voix masculine qui me disait :

— Eh ! belle dame, voulez-vous un compagnon ?

Je rougis violemment et pressai le pas.

Mais mon « suiveur » n’eut aucun mal à me rejoindre.

— Ne vous sauvez pas. Je ne vous demanderai ni la bourse, ni la vie.

Il me sembla reconnaître la voix, et brusquement je vis Hervé à côté de moi. J’en fus tellement soulagée que mon visage en trahit le reflet.

— Ah ! que vous êtes charmante ! Ce sourire dans ce visage épanoui est une aubaine pour moi.

— Vous bénéficiez tout simplement du soulagement que j’ai éprouvé en vous reconnaissant, car j’ai cru à un poursuivant obstiné et sans égards.

— Laissez-moi croire que le sourire est tout de même un peu pour moi ! Où alliez-vous de ce pas rapide ?

— Je me promenais, dis-je étourdiment.

En répondant ainsi, je lui livrais mon temps. J’aurais dû spécifier que je me rendais chez ma couturière et que je n’avais pas une minute à perdre. Le sang-froid m’avait manqué, et maintenant cela me contrariait, parce que j’étais sûre qu’Hervé ne me laisserait pas seule.

Je voulais me délasser de ma causerie avec Mme Saint-Bart, et je tombais dans les griffes de son neveu.

— Quelle chance ! s’écria-t-il. Se rencontrer à Paris est assez rare, et j’ai eu ce bonheur. Je ne suis pas à plaindre, je suis prédestiné !

— Ne dites pas trop de fadaises et essayez de vous exprimer tranquillement.

— Tranquillement, avec vous ? Comment cela se pourrait-il. Les déclarations, les compliments jouent déjà sur mes lèvres.

— Un peu de retenue.

— Que vous êtes jolie, gracieuse Christine ! Savez-vous que je ne rêve plus que de vous ?