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l’ombre s’efface

cela s’est présenté curieusement. L’enfant était une vigoureuse petite fille, puis soudain on a appris qu’elle était morte. Jamais on n’a su un détail sur sa maladie, et mon amie, assommée par la douleur, n’a jamais rien raconté. M. de Sesse, de son côté, était écrasé de chagrin et n’a pas abordé la question. Il semblait qu’un mystère eût entouré cette dramatique histoire.

— Mais les domestiques ? dis-je oppressée.

Mme de Sesse était dans une clinique. Elle avait une femme de chambre qui s’occupait de l’enfant, et, un jour, nous avons appris que cette femme était morte accidentellement.

— Oh ! m’exclamai-je avec effroi.

Il y eut un silence entre nous. J’étais terrifiée par cette succession d’événements tragiques et je repris, à voix presque basse.

— Ne croyez-vous pas que cette femme ait tué l’enfant, oh ! involontairement, et qu’elle se soit donné la mort, dans son épouvante ? Ces deux décès simultanés ne vous paraissent-ils pas étranges ?

— Comme vous prenez les choses à cœur, ma chère enfant ! Je ne sais si quelqu’un a eu les soupçons que vous exposez là, mais dans mon entourage personne n’y a pensé.

— Je vous demande pardon. J’ai sans doute une imagination déplorable, mais je trouve la mélancolie de Mme de Sesse si invétérée, que je lui cherche une cause exceptionnelle.

— Mais, ma petite amie, perdre un enfant est une blessure inguérissable pour une mère.

Je me tus. Je ne pouvais guère me poser en juge, quand il s’agissait de sentiments maternels. Je laissais vagabonder la folle du logis et je voulais trouver une explication à l’attitude contrainte des deux époux. Obstinée dans mes déductions, j’étais convaincue que la mort d’un enfant devait rapprocher des époux, et non susciter cette froideur qui les séparait.

Mme Saint-Bart poursuivit :

— Cette domestique n’avait pas l’allure d’une criminelle. Elle paraissait attachée à ses maîtres, pour qui elle se dévouait. Par moments, elle présentait l’aspect d’une personne un peu exaltée, mais mon amie ne s’en plaignait pas.