Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
l’ombre s’efface

Jacques se rassérénait en m’écoutant. Je me hâtai de poursuivre :

— Hervé est revenu à son état naturel, tout simplement, dès qu’il n’a plus eu votre sœur si douce à ses côtés. Il faut attendre qu’une autre fiancée ait sur lui assez d’empire pour le rendre plus sociable.

J’accumulais les mots, mais je n’étais pas convaincue. Je sentais la nécessité, de plus en plus, de m’emparer de l’esprit d’Hervé pour le rendre sans danger. En attendant qu’il eût la fiancée souhaitée, il fallait que je l’asservisse à mon tour pour que mon mari ne souffrît pas.

Mon désir était fou, et j’aurais mieux fait d’abandonner ce projet stupide qui allait rendre ma conduite équivoque.

Mon mari me dit :

— Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous alléguez. J’ai vu, dans notre enfance, un Hervé toujours un peu rude. Il avait des colères allant jusqu’à la frénésie, mais dès que ma sœur paraissait, avec son regard doux et sa grâce charmante, Hervé, subjugué, tombait sous le coup d’un enchantement.

— Ah ! je suis contente que vous vous rendiez à mes raisons, et ceci explique la véhémence d’Hervé qui a repris toute sa force depuis que la douceur de Janine lui manque.

Au dedans de moi, l’espoir se glissait. Il me semblait que je n’aurais aucun mal à juguler les menaces d’Hervé. Il commençait à s’éprendre de moi, je n’en doutais pas, et je me sentais forte.

Il voulait m’arracher à mon mari, mais il fallait que je fusse consentante ! Or, je n’y étais pas disposée. J’étais prévenue, d’ailleurs, contre ce séducteur qui croyait sa beauté prestigieuse. Je saurais lui montrer que j’avais de la volonté.

Un tableau se profilait devant moi : celui de l’esclave dans l’arène faisant virer lentement la tête de l’auroch pour le vaincre. Ma parole ! je m’identifiais à cet homme pour dominer Hervé ! Mes idées étaient d’une prétention insensée, mais j’étais encore imprégnée des difficultés que j’avais eues à surmonter dans ma carrière, pour croire que je triompherais de tout ce que j’entreprendrais.

Ma nuit fut assez agitée. Je me voyais luttant