Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
l’ombre s’efface

d’esprit les phrases superficielles qui s’égrenaient dans ce salon où je regrettais de me trouver.

La minute précédente, je me jugeais privilégiée, heureuse de me voir en face de Mme de Sesse, et maintenant j’aurais voulu courir me blottir dans les bras de Jacques et m’y cacher.

Seul, Hervé m’intéressait. Il m’attirait et me terrorisait à la fois. J’étais comme ces enfants qui ont peur d’un masque qui les affole, mais ne peuvent s’empêcher de le regarder.

Pour moi, il me semblait qu’Hervé devenait un ennemi. Sa beauté, que je ne pouvais qu’admirer, semblait me mener vers un destin auquel je ne pouvais me soustraire. Ces sensations m’étaient très pénibles et je n’étais pas loin de maudire le sort qui avait envoyé M. de Gritte vers nous. Mais que peut-on contre la fatalité. Quand elle est en marche vers nous, rien ne l’arrête.

Malgré mes efforts, je ne me sentais plus le cerveau libre pour bavarder avec aisance. Trop de ténèbres m’environnaient.

Je me levai, tout en percevant les protestations d’Hervé qui réclamait encore quelques instants de ma présence. Je passai outre.

Mme de Sesse m’accompagna jusqu’au seuil. Elle m’embrassa affectueusement en me disant :

— Au revoir, gentille amie. Je serai toujours heureuse de vous revoir, parce que j’ai pour vous une grande sympathie.



CHAPITRE V


Je revins assez troublée de ma visite, et à différents titres. J’avais eu des idées tellement incohérentes au sujet d’Hervé, que je me demandais si je ne perdais pas un peu la tête.

Rentrée chez moi, en présence de Jacques, je recouvrai tout mon sang-froid et je me promis de ne