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l’ombre s’efface

pas aériens et la musique entraînante ! Mes pensées volaient légères, se détachant bien loin de la terre polluée. Pauvre Hervé si beau avec son cœur blessé !…

J’en étais là de mes folies quand Clarisse frappa à ma porte et se montra.

— Madame me permet de venir lui demander le résultat de sa visite chez M. de Gritte ?

— Mais certainement, bonne Clarisse. Cela s’est fort bien passé. Les deux amis se sont réconciliés.

— Vrai ?

— Votre maître est fort content. L’amitié de son vieil ami lui manquait bien, et ce dernier paraissait tout heureux de retrouver son jeune confrère.

— Et… M. Hervé ?

Clarisse avait hésité devant cette question.

— Eh bien ! il a été correct…

— C’est étonnant, parce qu’il est bien rancunier. Comment Madame l’a-t-elle trouvé ?

Il me semblait que le feu me montait aux joues. Je répondis le plus indifféremment que je pus :

— C’est un très beau jeune homme.

— Il a la beauté d’un démon ! cria Clarisse, comme si elle rugissait. Que Madame ne se fie pas à cette beauté-là ! Il vaudrait mieux se jeter à l’eau que de le prendre en pitié.

Je regardai la vieille domestique qui me parut douée de seconde vue. Avait-elle remarqué ma rougeur ? Cela se pouvait. Dans tous les cas, elle avait l’air de me prévenir.

Un peu de bravade s’empara de mon esprit. Je voulais me montrer une personne expérimentée et je répliquai :

— Il est impossible de ne pas ressentir quelque compassion pour un jeune homme devant le désespoir qu’il montre. Si vous aviez vu son visage décomposé, bonne Clarisse, et si vous aviez entendu ses sanglots !

— Je ne m’y fierais pas. Je ne l’ai jamais trouvé sincère. Son papa est la bonté même, mais son fils est faux.

Je changeai de conversation en lui demandant :

— Et Mme de Gritte, comment était-elle ?

— Oh ! celle-là, un ange ! Elle avait du souci avec son petit garçon qui était menteur, mais notre Janine,