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l’ombre s’efface

— Croyez-vous que Monsieur ne serait pas plus content que ce soit vous qui l’instruisiez du souhait de M. de Gritte, vous qui êtes au courant des cir­constances de ce drame ?

— Non, répliqua péremptoirement Clarisse, il faut que ce soit vous, madame, parce que vous irez sans aucun doute chez M. de Gritte, qui sait déjà qu’Anselme vous a parlé. Vous avez promis au brave homme de faire la commission, et il se demandera pourquoi vous ne l’avez pas faite. Ce serait mal poser Madame aux yeux de ces personnes. Ainsi, quand Monsieur vous présentera à cette famille, il y aura déjà un lien entre vous et M. de Gritte.

Que cette Clarisse me préservait des embûches ! J’admirais ses raisonnements qui ne me faisaient jamais défaut et qui m’empêchaient parfois de com­mettre des impairs. Je me rendis donc à ses pré­cieuses indications et j’attendis le moment de mon entretien avec Jacques.

Clarisse m’ouvrait un nouvel horizon. J’étais curieuse de connaître les de Gritte et de voir ce jeune homme « jaloux et rancunier ».




CHAPITRE ii


Mon mari rentra le lendemain de mon entretien avec Clarisse.

Lorsque je me séparais de lui, c’était toujours avec une sorte d’arrachement. Je ne pouvais plus com­prendre un jour sans sa présence. Il absorbait tout mon être et j’en étais tout étonnée. J’avais vécu pour mon art de danseuse et jamais je n’aurais soupçonné qu’un être humain me tînt tellement à cœur. L’air que je respirais, la fleur que je regardais, la terre que je foulais, tout me parlait de Jacques, et je me demandais, de bonne foi, comment j’avais pu vivre sans lui !

Je pensais lui transmettre le désir de M. de Gritte