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Il me semblait que je devais resplendir de bonheur. Quant à ma mère, elle était toute rajeunie. Des roses fleurissaient ses joues et son beau sourire étincelait.

— Tu me raconteras de nouveau ta vie, toute ta vie avec des détails. Il faut que ces vingt années revivent, et je n’en veux pas perdre une seconde.

De temps à autre, elle s’écriait :

— Est-ce bien vrai ?

— C’est certain ! répliquais-je en riant. Je suis bien votre fille. D’ailleurs, une sympathie irraisonnée me portait vers vous.

— Et moi, tout de suite, je me suis sentie attirée vers toi. Jamais je n’avais rencontré une personne de ton âge me causant autant d’émotion. Ta vue a été un choc inattendu et je me disais : « C’est ainsi que je désirerais que ma fille fût. »

— Oh ! maman !

Et nous nous embrassions.

— Je ne veux pas que tu me quittes. Nous allons prévenir Jacques que vous dînerez ici.

Je tressaillis. J’oubliais Jacques ! Qu’allait-il dire quand cette conclusion lui serait racontée ? Ah ! maintenant, je n’étais plus la fille de n’importe qui ! Une joie folle déferlait en moi.

Tout à coup, M. de Sesse entra.

— Horace ! cria sa femme avec un accent vibrant, voici notre fille !

Il s’arrêta, croyant à un accès de démence de la part de sa femme.

Elle expliqua :

— Non, ne me croyez pas l’esprit dérangé. C’est bien notre enfant, Christine de Sesse, que vous avez devant vous.

Mon père pâlit et chancela.

— Oui, dis-je, vous saurez tout… J’ai rencontré Ursule, la tante d’Amélie, qui m’a avoué l’infamie de cette fille, qui d’ailleurs en a été terriblement punie sans tarder.

Interdit, M. de Sesse m’écoutait en me regardant. Beaucoup de confusion l’accablait, et c’est à peine s’il osait me questionner. Il était coupable, certes, mais il avait été tellement endoctriné par cette déséquilibrée.

Le pauvre avait beaucoup de mal à se tenir debout,