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change qu’elle l’avait fait vacciner à la jambe d’une manière particulière, en forme de croix.

Je poussai un vrai rugissement.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? s’effraya la femme.

En tremblant, je relevai ma jupe au-dessus du genou et je montrai à Ursule, ahurie, les traces de mon vaccin dessiné en croix,

— Quoi ? C’est-y que vous seriez la fille de Mme de Sesse ?

— Je le crois ! Venez avec moi, tout de suite, chez cette dame.

— Oh ! non, j’ai peur…

— Vous n’êtes pas coupable, et je suis sûre que cette dame sera heureuse de vous voir et de vous parler. Elle a tellement souffert que votre frayeur est ridicule à côté de sa douleur. Vous n’aviez pas à aller chez elle plus tôt, puisque je viens seulement de faire sa connaissance et qu’elle ne m’a raconté le terrible roman de sa vie que depuis deux jours.

— En v’là une histoire ! répétait sans arrêt Ursule en tournant dans ma chambre.

Je l’emmenai, mais il fallait d’abord que nous nous rendîmes à l’hôtel d’Hervé où elle habitait. Je n’eus pas une pensée pour cette maison, où j’avais passé des moments si angoissants. Mon esprit n’était occupé que de l’événement dont j’étais la joyeuse héroïne.

Ursule prit dans une armoire un paquet soigneuse­ment ficelé. Je voulus tout de suite voir ce passe-couloir. Il était charmant. Quant au bracelet, il était bien là, dans une boîte.

J’emportai ces trésors, et Ursule me suivit, un peu ahurie de tout ce qui survenait. Dans son saisissement, elle ne pouvait plus parler.

Il me fallut beaucoup de courage pour ne pas trahir trop ouvertement mon excitation. Je pensais à la surprise de Mme de Sesse.

Quand je sonnai à cet appartement d’où allait dépendre ma joie ou ma déception, j’étais plus morte que vive.

Mme de Sesse est là ?

— Oui, madame.

J’entraînai Ursule à ma suite. Mme de Sesse était dans son petit salon. Elle sourit à ma vue et ouvrit des yeux étonnés en voyant ma compagne.