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l’ombre s’efface

un homme en colère ne mesure pas les mots qu’il prononce et il les jette sans réfléchir à la portée qu’ils peuvent atteindre.

Je me disais donc que je devais les souligner par un peu de retard à pardonner. Il me semblait que ce n’était que justice.

Mon départ était remis, mais quand je voyais l’air malheureux de Jacques, ma décision faiblissait, et Clarisse m’encourageait fortement à revenir sur ma résolution.

J’attendais d’être plus reposée, plus lucide, car cette aventure m’avait secouée. J’avais dû rester étendue tout un jour sur une chaise longue, résultat d’une réaction facile à comprendre.

Quelques jours après ces incidents, Jacques, ne me trouvant pas dans le salon, avait frappé à la porte de ma chambre et m’avait trouvée pâle.

— J’espère que vous n’êtes pas souffrante ?

— Non ; un peu nerveuse, seulement.

— Je regrette bien profondément ces heures malheureuses. Je vous supplie de les oublier et de ne vous souvenir que de mon sincère amour.

Je ne répondis pas, et il reprit :

— Si vous saviez combien je m’en veux de vous avoir parlé ainsi ! Si vous lisiez dans mon cœur, vous seriez effrayée du poids de mes remords.

Je laissais parler Jacques, car il me plaisait de l’entendre s’accuser. J’avais ma revanche…

Trois hommes m’avaient accablée de leur dédain, en évoquant ma naissance comme suspecte, comme si l’on était responsable de sa venue au monde dans telles ou telles conditions ! Mon mari payait pour les trois.

Il poursuivit :

— Je veux espérer qu’aussitôt le calme revenu dans votre âme, nous oublierons ce premier nuage. Il me serait cruel de vous savoir à jamais éloignée de moi. Votre présence est ma vie.

Je dis enfin :

— Ne m’avez-vous pas avertie, durant nos étranges fiançailles, qu’au moindre de mes manquements à la correction vous vous sépareriez de moi ? Ne puis-je exercer la réciproque ? Monopolisez-vous l’honneur ? Ne puis-je avoir ma dignité ? Du moment que je puis