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l’ombre s’efface

me quitta et je restai seule avec des pensées peu riantes.

J’appréhendais de revoir mon mari et je me demandais quelle contenance j’aurais devant lui ? Ah ! comme je déplorais de m’être rendue à ce rendez-vous ! Mais pouvais-je prévoir la duplicité de cet être ? Quoi de plus naturel et de plus plausible que les raisons qu’il m’avait données pour m’attirer ? J’assimilais ses manœuvres à celles de Garribois qui m’invitait de la part de ses parents. Là encore, j’avais été trop confiante. Et comment me serais-je méfiée ?

Aujourd’hui, mariée, j’avais cru à de beaux sentiments de la part d’Hervé au sujet de sa petite fiancée. Comment aurais-je pu soupçonner une si terrible perfidie de la part de ce jeune homme au visage si charmant ? Je considérais sa conduite comme un sacrilège envers Janine.

Alors qu’une révolte fermentait dans ces pensées, Jacques revint et entra tout droit dans la pièce où je me trouvais.

— Vous allez mieux ?

— Très bien, dis-je d’un ton un peu cassant.

— J’ai été trop loin dans mes accusations. J’ai eu l’impression d’avoir dépassé les limites de la correction.

— Et de l’élégance ! ajoutai-je avec un peu de hauteur.

Cependant, je négligeai cette amende honorable et je demandai froidement :

— Que pense M. de Gritte de cette affaire ?

Mon mari me regarda, surpris par mon attitude légèrement désinvolte.

Il répondit pourtant à ma question, sans commen­taires :

M. de Gritte m’a fait d’étranges révélations, devant sa sœur, sur la conduite d’Hervé. Les crises d’épilepsie de son fils lui étaient connues. Elles sont survenues un peu avant la mort de Janine, ce qui est un poids de moins pour moi. Si je n’ai pas été instruit de cette tare, c’est qu’il n’y avait plus, malheureusement, aucune raison pour que je le fusse. J’avoue que cette circonstance a atténué en moi quelques regrets. Ma pauvre petite sœur eût été vouée à une vie de martyre, si elle n’avait pas voulu rendre sa