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marthe fiel

À la ferme, on ne prenait pas la peine de s’occuper spécialement des trois bêtes efflanquées, qui attendaient leur nourriture comme des mendiants indési­rables. S’ils n’avaient pas dîné d’un rat, ils cher­chaient à voler une denrée à la cuisine, ce qui leur procurait un coup de pied.

Cette rudesse indignait Nil. Il était navré de ne pouvoir remédier à cette méconnaissance d’un animal dont on pouvait tirer un véritable enseignement, si on réfléchissait à la prudence, à l’indépendance, à la dignité et souvent à la fidélité dont il faisait preuve, sans compter le silence et la solitude dont il entourait sa mort.

— Expliquer ces choses à des fermiers qui ne s’y intéressent pas, assurait Nil à son professeur, est une tâche impossible.

— Il est assez naturel que leurs soins s’arrêtent aux animaux plus importants et plus difficilement remplaçables tels que leurs chevaux, bestiaux, porcs, voire leurs poulets et autres. Ce sont des bêtes attendues pour la nourriture des hommes. Les chats sont des aides pour combattre les souris et leurs maîtres les négligent forcément, ne pouvant suffire à tout… Il faut d’abord aller à l’essentiel… Je suis sûr que si vous aviez quelques chats, quelques chiens, quelques oiseaux, et à côté de cela des bestioles de moindre intérêt, vous délaisseriez plutôt ceux-ci que ceux-là…

Nil ne répondit pas, trouvant une logique à ce raisonnement.

La cruche à lait remplie, les deux promeneurs re­vinrent à pas comptés vers leur demeure. Ils rencon­trèrent sur leur route les quatre chèvres noires habi­tuelles, conduites par leurs deux maîtresses.