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marthe fiel

Pendant une de ses récréations, son professeur lui demanda :

— Ce jeune Legrise est un de vos condisciples, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur, répliqua laconiquement Nil.

— Vous semblez n’avoir pas beaucoup de sympathie pour lui…

— Aucune…

— Vous avez contre lui des griefs sérieux ?

Nil raconta l’histoire de la règle et parla aussi de la paresse invétérée de cet élève, et des instincts qui le poussaient à la désobéissance, au mal, et surtout à la joie mauvaise qu’il ressentait devant le malheur et les souffrances des autres.

— Ainsi, un de nos camarades a été très malade, et cela le faisait rire. Quand ce malheureux est mort, il a été le seul à ne rien donner pour l’achat d’une couronne. Je suis certain que ses parents lui ont fourni l’argent qu’il a demandé.

— C’est bien laid, en effet, mais ses père et mère ne s’aperçoivent donc pas des défauts de leur fils ?

— Son père est un savant, nous a dit papa, et il plane toujours au milieu des nuages, sans s’apercevoir de ce qui se passe dans sa maison… Quant à sa mère, n’ayant que ce fils, elle se figure sans doute que c’est une merveille… J’ai souvent pensé, monsieur, que ce sont les frères et sœurs qui s’élèvent entre eux, parce qu’entre soi, on ne se passe rien… Que de fois mon frère m’a dit : « Ne fais pas cela, parce que maman ou papa l’a défendu… Ne lis pas ce journal, parce qu’il est mauvais… » Tandis que Legrise, tout seul chez lui, peut mentir, ruser, tant qu’il veut… Il