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peut-être allé faire une excursion pour calmer ses esprits troublés.

J’avoue que je devins un peu nerveuse à mesure que la journée s’avançait. Je ne savais plus ce que je lisais et les personnes que je rencontrais me parurent insupportables. Mes pensées m’appesantissaient.

Ma démarche n’était plus ailée et j’étais persuadée que mon visage reflétait le poids de mon souci.

L’incertitude est le pire des maux. Elle fait, des hommes, des pantins qu’elle balance entre l’espoir et la déception. Le cœur est suspendu par un fil ténu qui semble vouloir se rompre à tout instant.

Cette éclipse de Gustave Chapelène me paraissait naturelle par moments et étrange à d’autres.

Je m’attendais presque à recevoir une lettre charmante dans laquelle il m’exprimerait ses regrets d’avoir été obligé de repartir. La fuite est un argument péremptoire et je partage à ce point de vue l’avis du grand Napoléon. Rien n’était plus facile à mon soupirant que de procéder ainsi. Il ne m’avait rien promis et ces amabilités étaient monnaie courante entre jeunes gens désœuvrés.

Un peu inquiète, un peu mélancolique, je gagnai la terrasse après le dîner. Je n’avais pas eu le temps de jeter un coup d’œil autour de moi, que je vis, me saluant, celui que je cherchais.

— Ah ! c’est vous, fis-je du ton le plus indifférent du monde. Où donc étiez-vous caché ?

— J’ai fait une très longue promenade, durant laquelle j’ai beaucoup réfléchi et le résultat de cet examen de conscience c’est que je me suis trouvé un profond égoïste.

— Oh ! vous me surprenez… Et pourquoi ?

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