lieu de l’envier je fus tentée de la prendre en pitié. Je ne cachai pas mon impression, et mon amie, en riant, m’appela la dernière des Vikings. À ce seul mot, mon imagination fit un bond, j’entrevis des soleils de minuit à travers les flammes d’or de mon feu de bois, un paysage enneigé, un éternel Noël de carte postale. Ce rêve fut brusquement interrompu par une question de Pauline.
— Et vous, Ila, quel est votre idéal ?
J’espérais bien me marier un jour, mais je n’avais, à vrai dire, aucun idéal. Je savais que je ne devais pas regarder trop haut parce que j’étais pauvre.
— Je ne puis guère me permettre de choisir, répondis-je en baissant la tête. Si un brave garçon se présente, je serai bien contente de l’accepter. S’il ne me plaît pas tout à fait tel qu’il sera, peut-être aurai-je assez d’ascendant sur lui pour le former à mon goût ?
— Mon fiancé aurait peut-être un ami qui vous conviendrait… Ce serait gentil de ne pas se quitter.
— Vivre aux colonies ! Non, je m’y dessécherais !
— C’est vrai, j’oubliais votre nom, s’exclama Pauline, gentiment moqueuse. Mais alors pourquoi restez-vous à Lyon au lieu d’aller vous marier avec un Esquimau ? On les dit fort doux et très adaptables…
Je ris et répliquai :
— Hélas, le passé m’attache ici.
— Et pourtant vous subissez l’attraction de vos origines, En somme, vous êtes une transplantée qui se sent encore une racine dans sa terre natale.
— Mes origines… mes origines… Je ne puis rien affirmer à leur sujet. Je vous l’ai déjà dit maintes fois.
Pauline eut une moue obstinée :