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comporter comme une personne d’une prudence rare ? Tout mon bonheur était à ce prix.

— Bonsoir, monsieur. À demain.

— Mes hommages, mademoiselle, et que demain arrive vite.

Le premier acte du scénario était joué. Il fallait attendre vingt quatre heures pour mettre le second en action.

J’usai de ruse, le lendemain, pour échapper aux regards de M. Gustave Chaplène qui me croyait dans ma chambre. Je déjeunai rapidement et ne flânai pas à table. L’après-midi, je découvris un coin un peu éloigné où je pus m’asseoir avec un tricot, pièce à conviction en cas de surprise, et un livre pour charmer ma solitude.

Je ne vis personne en dehors de quelques promeneuses inconnues qui devaient villégiaturer dans un hôtel des alentours. Quand je revins de ma cure d’air, c’était l’heure du dîner. Je m’assis et envoyai un sourire au pauvre abandonné.

Il me sembla qu’une onde de joie courait sur son visage. Il se hâta de sortir dès qu’il le put et m’attendit sur la terrasse, où je le rejoignis sans me presser. Il s’écria, faisant fi de tout protocole :

— Enfin, vous voici ! sans vous, la journée m’a paru sans soleil.

Je rétorquai paisiblement :

— Vous avez là une jolie pensée de poète.

— Je ne sais si un poète trouverait mieux, mais le simple profane que je suis a ressenti un ennui mortel tout au long de ces heures.

— Je vous vois cependant bien vivant !

— Ne raillez pas… et au déjeuner vous avez été cruelle… pas un regard ! Était-ce bien aimable ?

— Mais cher monsieur, si nous avions entamé

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