Page:Fiel - Coups de foudre, 1947.pdf/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le soir n’était pas encore assez tombé pour que je ne pusse pas distinguer le bouleversement des traits de mon compagnon. Toute sa personne exprimait une gêne malheureuse. Il lui en coûtait d’avouer ses petitesses ; il devinait que la bonne impression qu’il avait pu produire sur moi en serait diminuée. Il s’avisait que sa confidence était pénible, autant pour lui que pour celle à laquelle elle s’adressait. Mais, comme il l’avait dit à son ami, il devenait le bourreau de son cœur.

Je fus magnanime et n’accusai ni froideur, ni rancœur. Je restai naturelle, presque gaie et pour cause !

Et pourtant je pensais à l’instant où Pauline m’avait apporté l’annonce du refus. Quel désespoir ! Est-ce que je ne risquais pas encore une semblable déception ?

Mon compagnon me regardait avec étonnement, se demandant peut-être s’il s’était leurré sur la sympathie qu’il croyait avoir devinée. Puis, devant mon détachement, une autre idée lui vint qu’il exprima timidement :

— Êtes-vous fiancée, mademoiselle ?

Je fus plutôt heureuse que surprise de cette curiosité et j’y répondis avec un naturel parfait.

— Oh ! pas du tout.

Ses yeux s’éclairèrent, mais les miens s’assombrirent, car de nouveaux scrupules m’envahissaient. Quand un homme vous a avoué qu’il ne vous épouserait pas, tout en vous laissant entrevoir que vous lui plaisez, il ne peut décemment continuer à vous prodiguer des attentions. La loyauté de Gustave m’avait mise en garde contre des rêves fous, mais il existait, me semblait-il, une autre loyauté qui commandait, celle-là, de ne pas pour-

— 84 —