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J’ai renoncé une fois pour toutes à sonder les mystères de mon hérédité. Mes recherches seraient, du reste, bien difficiles. J’ai perdu mes parents, hélas ! Ils étaient tous deux orphelins et je n’ai ni oncle, ni tante, ni cousins, même à la mode de Bretagne.

Et les recherches que je confierais à un homme de science seraient trop onéreuses pour mon mince budget. Mon père était officier sans fortune et le mince capital que possédait maman s’écornait un peu plus à chaque changement de garnison. Je n’ai reçu en héritage que quelques milliers de francs, dépôt sacré, suprême réserve, à laquelle j’ai fait vœu de ne pas toucher tant que mes appointements de secrétaire me permettront de vivre.

Je vis seule. Je n’ai qu’une amie, Pauline Sermonet, dactylo dans la même maison que moi. C’est avec Pauline que j’ai pendu la crémaillère dans mon « studio ». Que j’ai eu de mal pour dénicher ce petit appartement de loyer modeste, et que de sacrifices représentant mon divan garni de coussins roses, mon armoire « genre rustique » et ce tableau où un gros ours blanc se dresse auprès d’un bloc de glace (…je m’appelle Ila !).

Je me souviens encore de cette pendaison de crémaillère, de toutes les folies que Pauline et moi avons débitées, des rires qui nous ont secouées à propos de tout et de rien.

Nous avons parlé mariage. Pauline rêve d’un cousin éloigné dont elle attend le retour d’Indochine. Elle me confia ses espoirs pour la première fois ce soir-là et j’écoutai patiemment les louanges qu’elle me fit de son futur mari. Mais, quand elle m’avoua, qu’une fois mariée elle comptait bien partir pour les colonies, comme je déteste les pays chauds, au

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