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L’heure glissait, cependant, et j’étais toujours prostrée sur un fauteuil, faisant appel à tous les principes philosophiques que je pouvais me rappeler. Ce nouveau chagrin en faisait renaître un tout récent et je regrettais Gustave Chaplène. Avec lui, je n’aurais pas eu à redouter ce genre de surprises. Il était connu et bien considéré. En outre, le chef de service de Pauline était un homme d’une réputation solidement assise et il n’aurait pas admis dans son intimité une personne sujette à caution.

Chose curieuse, du reste, ma déconvenue sentimentale s’effaçait complètement devant la vexation que j’éprouvais en reconnaissant ma sottise. J’aurais pu trouver là ample matière à réflexion, apprécier ainsi la profondeur réelle de mes sentiments, mais j’étais fort préoccupée par l’attitude que je devais prendre vis-à-vis de Déflet.

Lui marquer tout de suite une froideur méprisante pouvait être dangereux. S’il pensait un instant que j’avais deviné son jeu, n’était-il pas capable de me nuire ? J’étais, comme il le disait, bien inexpérimentée pour me conduire avec virtuosité envers un brigand de sa sorte.

Pourtant, garder un aspect aimable me paraissait au-dessus de mes forces. Jouer une telle comédie ne convenait pas à mes médiocres capacités. J’étais candide, c’était vrai, et il me fallait le commerce de personnes franches et sans détours avec lesquelles je fusse à l’unisson.

Je me persuadai cependant qu’il était indispensable de forcer ma nature. Pour me sauver d’une catastrophe, il fallait conserver, en face de Déflet, une amabilité de circonstance, quitte à disparaître subitement, sur l’annonce d’une dépêche quelconque.

En outre, dans les conversations que j’aurais avec

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