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verts, ses manières n’avaient rien de nordique, mais enfin il m’avait conquise… ou à peu près.

Il faudrait que je lui parle de sa famille. Aurais-je des beaux-parents aimables ? Sans rien savoir, je trouvais mon sort beaucoup plus enviable que celui de Pauline qui allait rôtir aux colonies et qui n’aurait pas de gîte stable.

Je me souvenais de quelques paroles échappées à ma mère qui se plaignait souvent d’être forcée de quitter un appartement agréable pour une garnison sans avantages.

Moi, je n’aurais pas ces tourments. Mon installation serait définitive et j’aurais toute ma vie devant moi pour la parachever.

Dans cette insomnie qui m’enfiévrait, je m’inquiétais déjà de mille détails ridicules ; je m’entendais discuter avec mon mari de la nécessité de certains achats ! J’allais un peu vite en besogne et la folle du logis, sans fin, agitait en moi son grelot assourdissant.

C’est en vain que j’appelai le sommeil. Je ne pouvais m’assoupir. Je pris le parti de me lever. Le temps était radieux. Une aurore aux tons exquis illuminait le ciel. Ma fenêtre, entrebâillée, laissait entrer les purs parfums du matin. J’écartai légèrement mes volets, ne voulant pas les ouvrir de peur des indiscrets.

Je pris un fauteuil et j’écoutai la rumeur de la vie qui s’éveillait.

Soudain, j’entendis deux voix monter de la terrasse. Une acoustique merveilleuse et insoupçonnée me permettait de saisir toutes les paroles. Je dois dire que je m’intéressai beaucoup à la conversation car je reconnus les accents d’une personne qui m’était déjà chère.

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