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mais je me pique d’être physionomiste et je devine que j’ai devant moi une vraie jeune fille, dans toute la beauté de son âme fraîche.

Il va sans dire que j’avais tout d’abord esquissé un geste de protestation. Puis, comme mon compagnon ne me laissait pas le loisir d’ouvrir la bouche, je pris peu à peu plaisir à ce chant nouveau. Ah ! le beau discours et que la belle nature se révélait bien sa complice indulgente ! Une bienveillance universelle baignait mon cœur et je trouvais idéal ce cavalier inattendu.

Je me rappelle encore toutes les louanges dont il me combla. Il vantait mes yeux, admirait mes cheveux pâles, mon nez si fin, l’ovale si pur de mon visage, mon cou délicat…

J’étais dans le ravissement et je ne parvenais pas à m’arracher à l’extase où me plongeait sa voix.

Il me demanda mon prénom.

— Ila.

— Comme c’est original ! et comme cela sied bien à vos yeux verts ! Auriez-vous une ascendance nordique ? Ce serait un curieux hasard. Mon arrière-grand’mère était norvégienne, et c’est pourquoi, parmi mes prénoms, je compte celui d’Olaf. Mais pour les profanes, je ne suis que René… Réné Deflet.

L’enthousiasme me transporta. J’avais rencontré un homme charmant, qui plus est, un compatriote. Ma réserve méfiante fondit comme neige au soleil. Pouvait-on tenir un « pays » pour suspect ? Je repoussai, non sans regret, le fantôme de Gustave, et ma félicité devait se lire sur mon visage, car, quelques mètres avant notre hôtel, mon compagnon s’arrêta devant moi et s’écria :

— Que vous êtes belle !

Ce compliment à bout portant ne me choqua pas.

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