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La maîtresse de maison me tendit les deux mains en un geste affectueux et, tout comme son mari, m’appela sa chère enfant. Elle me présenta un jeune homme incolore, boutonneux, emprunté, qui bredouilla quelques phrases que je ne me souciai pas d’approfondir car sa cause était jugée.

L’esprit libéré de ce côté, je me montrai brillante et moderne. L’aspirant à ma main de millionnaire me dévorait des yeux et se tenait coi. La notairesse devenait de plus en plus sombre et donna libre cours à son énervement quand le neveu renversa le verre de liqueur qu’il avait charge de m’offrir.

— Maladroit ! s’écria madame Praquet en le foudroyant du regard.

Le malheureux balbutia une vague excuse et, penaud, se rassit à l’extrémité du salon d’où il ne bougea plus de la soirée, se contentant de se repaître de mes boucles blondes et de mes yeux verts.

Enfin, je fus à la veille de mon départ. Le soleil resplendissait et le printemps, revenu en mon cœur, s’était mis à l’unisson de la nature en fête. Pourtant, ce bel après-midi me parut long. J’essayai de lire, mais, émue par l’approche de ce premier voyage, par la pensée d’un séjour dans un pays inconnu, parmi des étrangers, je n’arrivais pas à fixer mon esprit. Les mots dansaient devant mes yeux, les phrases n’avaient aucun sens. Je pris le parti de m’étendre et de dormir.

Le lendemain, quand je m’en fus prendre le train, mon cœur battait terriblement. J’avais l’impression d’être précipitée, sans défense, dans l’espace et je me demandais ce qu’il adviendrait de moi. À mon

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