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Le choix de ma villégiature me donna beaucoup de mal Je ne voulais pas aller trop loin pour un début. Des collègues du bureau m’avaient souvent parlé d’Aix-les-Bains, m’en vantant le pittoresque. Je me décidai donc pour les bords du lac du Bourget.

Maintenant que j’étais résolue à partir, je me trouvais stupide de n’y avoir pas songé plus tôt. Il est vrai que j’étais obnubilée par la pensée de M. Gustave Chaplène et je souris en songeant à l’état d’infériorité dans lequel m’avait placée, durant quelque temps, mon emballement amoureux.

Heureusement, j’avais compris mon erreur. L’affaire était classée et je ne m’occupai plus que de mes toilettes. Je voulais être habillée pour la fraîcheur, pour le soleil, pour le soir, et tout le temps que j’eus de libre se passa en courses et en achats. Vêtements, bagages, trousses, accessoires de toilette rivalisèrent d’élégance et de sobriété. Je ne me reconnaissais plus. Je prenais de l’assurance, de l’autorité. Je refusais, je critiquais et les vendeuses, devinant sans doute que j’étais la « bonne cliente », faisaient montre d’une patience angélique.

Je m’aperçus que je devenais quelque peu impertinente et égoïste. Je me sentis alors toute confuse. Comment avais-je pu oublier totalement les malheureux, moi qui m’étais toujours promis de les secourir s’il m’arrivait d’être riche ? Avant de penser à me distraire, n’aurais-je pas dû remercier le Créateur de m’avoir délivrée des jours obscurs et de m’avoir donné la possibilité de faire rayonner un peu de soleil autour de moi ?

En quittant ma couturière, cet après-midi là, j’entrai dans l’église Saint-Nizier et demandai à un prêtre que je connaissais, l’adresse d’une famille

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