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cinéma !… cinéma !…

— Vous êtes intoxiqués tous les deux parce que vous avez de pauvres cervelles. Ton frère revient-il souvent chez vous ?

— Depuis qu’il est parti, nous ne l’avons pas revu.

— Que peut-il fabriquer, le malheureux ?

Claudine ne répondit pas. Elle n’aimait pas penser à son frère depuis qu’il lui avait apporté une belle écharpe qu’elle n’avait jamais osé porter. Elle tendait toujours les épaules dans la crainte que l’on parlât de lui. Cependant il se croyait sûr de son destin et elle gardait malgré tout l’espoir qu’il traverserait des dangers sans dommage.

Mlle Philogone réfléchissait. Dans sa carrière déjà longue, elle avait vu beaucoup de chutes et elle les attribuait à l’appétit immodéré du luxe. Et qui le répandait, ce luxe ? L’accès facile des cinémas qui ne se contentaient pas de pièces honorables, mais de spectacles propres à soulever tous les instincts. La facilité camouflée des vols, des assassinats, des situations extravagantes, s’imprimait dans le cerveau des jeunes qui devenaient la proie de compères habiles. Voilà ce qu’étaient devenus les petits-enfants d’une honnête grand-mère qui était morte dans la paix, avec l’illusion que sa chère descendance lui ressem­blerait !

La bonne demoiselle était tout à fait scandalisée, et bien qu’elle trouvât que ces deux enfants eussent dû être fouettés, elle les plaignait grandement de se plonger dans une ornière aussi profonde et pleine de périls.

— Allons, ma petite, espérons que le Bon Dieu épargnera des hontes à ta famille. Remercie-Le aussi d’avoir placé un Laroste sur ton chemin. C’est une rose qui t’a été offerte, mais tu sais que les roses ne durent pas. C’est un parfum que l’on respire en pas­sant, mais cela laisse un souvenir de beauté. Plus tard, quand tu seras un peu moins bête, tu compren­dras la délicate conduite de ce jeune homme.