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AUTOUR D’UN CANDIDAT

— Alors… vous êtes tout de même un peu malheureux au fond ?

— Mettons que je sois agacé… malheureux serait un mot trop fort… oui, agacé est le terme juste…

— Ah ! tant mieux !… c’est toujours quelque chose…

— Comment ! tant mieux ?… vous avez des mots d’un imprévu assez cruel…

— Je veux dire, reprit vite Louise confuse, enfin je me comprends… Je suis satisfaite, voilà…

— Eh bien ! vous m’ahurissez !… Je ne puis concevoir qu’on se réjouisse de l’ennui de quelqu’un… C’est bien la première fois que je vois de pareils sentiments se donner libre cours devant l’intéressé !… Vous êtes d’une franchise étrange…

Marcel devenait ironique et Louise se trouvait dans un embarras affreux. Elle voyait que le jeune homme ne pourrait parvenir à saisir sa pensée si elle ne s’expliquait pas davantage. C’était un grand effort pour elle, mais sous peine de passer pour une jeune fille sans cœur, elle ne pouvait laisser une telle perplexité peser sur son attitude.

Elle reprit avec beaucoup de courage :

— Je vais tenter de vous éclairer sur mes sentiments : quand une personne est gaie et qu’elle paraît heureuse, je me sens totalement inutile près d’elle, mais quand je la vois triste, ayant besoin de réconfort, mon esprit s’épanouit… Ce n’est pas de la gaieté, c’est un contentement intérieur…

Louise recommençait à s’embarrasser devant le visage de plus en plus railleur de Marcel.