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peu près intactes les anciennes traditions.

On était habitué à voir M.  et Mlle  de Saint-Armel passer comme des ombres bienveillantes, et quand on leur adressait la parole, une timidité involontaire s’emparait de l’interlocuteur.

Les de Saint-Armel ne recevaient chez eux que des personnes de leur caste.

Armelle était considérée comme une petite princesse qu’on n’osait aborder. Élevée par une institutrice, chez elle, conduite au catéchisme, elle n’avait jamais échangé une parole avec ses compagnes.

Aujourd’hui, dans un dessein inexpli able, cette barrière tombait, l'aristocratique famille s’humanisait, et une invitation tombait chez les Darleul, les Célert et les Roudaine.

Ces demoiselles étaient prévenues que les deux autres amies partageaient cet honneur. Elles se demandaient ce qui le leur valait. Elles ne pensèrent pas une minute qu’Armelle pouvait s’ennuyer tout simplement. Elles cherchaient une cause plus compliquée.

Elles se revirent, très intriguées et se communiquèrent leurs impressions.

— Ainsi, demain, nous franchirons la seul de l’hôtel de Saint-Armel.

— C’est incroyable ?

— À quoi ou à qui devons-nous cette faveur ?

— Nous ne pouvons que supposer que la jeune Mlle  de Saint-Armel nous a distinguées et désira nous voir, murmura Cécile.

— Comme c’est étrange… ma mère est dans un état d’exaltation inouïe.

— La mienne estime avoir ce privilège parce que sa mère est née de Broyade.