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rendu à sa personnalité. La candide jeune fille se disait Que cet inconnu devait être sincère, puisque même sa main mordue ne l’avait pas empêché de le proférer.

Une honte lui vint de n’avoir pas été plus charitable. À quoi lui servait d’écouter des sermons où l’on prêchait la charité, si c’était pour laisser un passant sans secours ?

Que sentait-elle dans son cœur qui luttait avec le projet de venger sa tante ?

Les jours du passe lui parurent ternes à côté de ce soir, où, à l’encontre de toute prévision, une aurore se levait en elle.

— Qu’est-ce que tu as, ma petite chérie… tu parais toute troublée ?

Armelle mentit. Il ne fallait pas avouer qu’Agal avait blessé un passant. Il lui semblait que cette scène devait être un secret. Elle craignait le dédain de Mlle  de Saint-Armel pour ce promeneur et elle ne voulait pas que sa tante lui déflorât son rêve. Il devenait son bien propre, caché dans l’asile de son cœur.

Elle répondit d’une voix lente :

— Agal a failli tuer un lapereau qui regagnait son terrier.

Mlle  de Saint-Armel savait sa nièce sensible, et elle n’alla pas plus loin dans ses questions.

Il était tard. Ces dames reprirent leur voiture pour le retour. Armelle soutenait la conversation avec une gaité feinte, alors qu’elle eût voulu rester silencieuse pour évoquer les instants précédents.

Elle risqua :

— Je suppose que tous les hommes ne sont pas méchants, le monde serait trop vilain. Ainsi, mon oncle…

— Il y a ton oncle, trancha Mlle  de