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— Ainsi un jeune homme me demanderait en mariage, je devrais le refuser ?

— Je te le conseille ! Comment serais-tu plus heureuse qu’avec nous !

Mlle de Saint-Armel aînée ne pensait plus à ses soixante-dix ans passés en face des vingt printemps d’Armelle. Il lui semblait que l’éternité se profilait devant elle et que l’état actuel des choses durerait.

— Il est certain que je ne veux pas être malheureuse, prononçait avec autorité la jeune fille, je n’ai que faire des mensonges des hommes, et si l’un d’eux veut m’épouser, je saurai lui montrer toute l’incrédulité que j’ai pour ses histoires,

— À la bonne heure !

— Ma bonne tante, j’irai plus loin ! Je veux que ce monsieur, qui aura l’audace de lever les yeux sur moi, soit agréé.

— Oh ! Ciel !

— Attendez, ma tante. J’affecterai de l’aimer… mais ce sera un jeu. Je veux vous venger. Un homme vous a fait souffrir… je ferai souffrir un homme.

— Ma chère petite…

Mlle de Saint-Armel aînée, pour manifester sa reconnaissance éperdue, serra sur son cœur Mlle de Saint-Armel cadette, sans réfléchir que les sentiments de l’une comme de l’autre étaient indignes de bonnes chrétiennes d’abord et du nom qu’elles portaient ensuite.

Armelle paraissait contente de sa résolution. Elle pensait qu’elle serait ainsi fort utile dans la vie.