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ÉPREUVES MATERNELLES

pénétra dans l’office, dans la cuisine. Rien. C’était une maison inhabitée.

Au lieu du réveil habituel, plein d’affairement, de ce parfum du déjeuner qui aiguisait la faim, du joyeux empressement du personnel, rien que la solitude et le silence absolus.

Denise, d’un trait, alla dans le cabinet de son mari.

À son grand étonnement, il était encore là.

— C’est une affreuse plaisanterie, s’écria-t-elle, vous avez voulu m’effrayer. Où sont mes enfants ?

— Je ne plaisante jamais quand il s’agit d’une volonté que j’exprime. J’ai compris de quelle façon je devais vous traiter.

— Vous êtes d’une cruauté abominable.

— Vos supplications ne me touchent pas. Ne vous avais-je pas priée de ne pas vous rendre chez votre frère ? Vous n’avez eu aucun égard pour mes paroles. Donc, je sévis. Dorénavant, vous aurez à vous servir vous-même. Je vais fermer une partie des pièces de l’hôtel, et pour tout le monde, vous serez dans la maison de repos, pour cause de neurasthénie. Tout le personnel est renvoyé, y compris les concierges. Nous sommes seuls tous les deux, et vous allez commencer une autre vie. Vous apprendrez ainsi de quelle valeur est le travail d’un homme qui crée le luxe autour de la femme qu’il a choisie.

— Votre projet est celui d’un dément ! interrompit Denise avec force.

— Il m’est indifférent de connaître votre appréciation… J’exerce ma volonté.

— C’est infâme.

— Vos injures ne me blesseront nullement.

— Paul, je vous en supplie… si vous avez un reste de bonté dans le cœur, ne me martyrisez pas ainsi !

— Ah ! vous me suppliez maintenant !

— Mes enfants sont ma vie, et je ne puis m’en passer… Votre vengeance est hors de proportion avec ma faute.

— Vous en jugez ainsi… mais ce n’est pas mon avis Votre façon de faire peut avoir une grosse répercussion sur mes projets. Vous resterez donc enfermée ici, et vous verrez vos enfants quand vous l’aurez mérité.

— C’est monstrueux ! Paul, ce n’est pas possible !