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ÉPREUVES MATERNELLES

Mme Zode, la rage au cœur, tournait dans l’hôtel comme un écureuil. Son rôle de second plan lui pesait plus que jamais et elle souhaitait avec une ardeur inimaginable, remplacer Denise dans ses attributions. Elle ne souhaitait pas sa disparition, non, mais une humiliation qui la laisserait comme une quantité négligeable dans sa propre maison.

Mme Zode voulait régner, aller dans le monde et paraître. Elle estimait que le mariage de son cousin l’avait lésée. D’avance, elle détestait la future femme de Paul, après avoir espéré qu’il ne se marierait pas. La bonne grâce et le charme de Denise augmentèrent sa fureur et une persécution contre la jeune femme la hanta.

Paul Domanet aurait peut-être cédé devant la douceur de Denise si son orgueil et sa susceptibilité n’eussent été soigneusement ravinés par sa cousine. Mme Zode éprouvait une jalousie à travers laquelle elle voyait rouge. Réduire Denise à un plan subalterne était ce qu’elle désirait et elle employait tous les moyens.

Ce soir-là, il y avait un dîner de dix couverts chez les Domanet et Mme Zode était hésitante entre le désir de rester dans sa chambre et celui de prendre part à une réunion agréable.

La perspective de voir Denise tenir la place de maîtresse de maison la faisait passer par toutes les phases de la colère, mais d’autre part, perdre une occasion de déguster des plats en bonne société la désolait. Que ferait-elle seule dans son coin, alors que non loin d’elle, les convives seraient pleins de gaîté ? Il était bien inutile de bouder contre cette évocation tentante. Il fallait au contraire en profiter.

Puis, elle se l’avouait, elle était un tantinet gourmande. Les mets délicats l’attiraient et son docteur l’avait mise en garde, mais quel mal, pensait-elle, pouvaient lui occasionner de si bonnes choses ? Son médecin, sans doute, avait un mauvais estomac.

La nervosité de Mme Zode s’accentuait et elle accusa ses nerfs sensibles de provoquer les douleurs de tête qui l’accablèrent. Elle se trouva très rouge. Elle se poudra copieusement afin d’atténuer ce flamboiement, et elle pesta contre cette pécore de Denise qui la poussait à bout.

Puis, en attendant le dîner, elle s’étendit sur un