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ÉPREUVES MATERNELLES

Il dit avec gaieté :

— Alors, ton mari t’a permis de venir ?

— Non, hélas ! je suis ici en cachette.

— Ah ! c’est mal, ma petite sœur. Je souhaite que rien de fâcheux ne découle de cette visite, murmura le missionnaire, un peu effrayé par la démarche de Denise.

Elle eut alors de grands sanglots, et en mots hachés, elle raconta sa triste vie.

Il l’écoutait, douloureusement ému.

Quand elle eut terminé, un silence régna durant lequel le prêtre parut réfléchir et prier, puis enfin, il prononça :

— Je regrette pour toi, sœurette, ce malentendu entre vos deux caractères. Je crois que Paul Domanet est en ce moment, grisé par une ambition que son intelligence et sa réussite ont portée à son comble. Je ne puis que te recommander la patience. La vie des affaires use un homme et quand ton mari ressentira de la fatigue, la justice entrera dans son âme et il deviendra plus accessible. Je te plains, ma petite Denise, de traverser ces jours de souffrance, mais je crois fermement qu’une compensation te viendra. Dans la douleur germent parfois la paix et la douceur, car toute souffrance est inscrite par Dieu à notre actif et nous en obtiendrons le prix. Je voudrais te blâmer d’être venue me voir, mais est-ce bien mon devoir ? Tu as été conduite près de moi par une force plus puissante que ta volonté même… Sans doute Dieu voulait-Il que je connusse ta misère morale. Je vais prier pour que rien d’irréparable ne t’arrive. Et si la Providence semblait t’abandonner, ma pauvre petite, ne désespère pas. Dieu ne délaisse jamais, tu entends !… jamais, ceux qui ont droit à sa pitié. Rentre vite chez toi, sœurette. Je ne sais quand nous nous reverrons. Je dois repartir incessamment, ma santé s’étant raffermie plus vite que je ne pensais. Je dois obéir à mes supérieurs, ainsi qu’à mes promesses aux déshérités de là-bas, ajouta-t-il, en voyant Denise qui joignait les mains dans un geste suppliant.

D’avoir revu son frère, elle s’habituait déjà au charme de l’intimité, à la chaleur de cette âme généreuse qui donnait sa vie sans un murmure. Elle se sentit soudain plus forte, plus calme en face de ses